Ran Baratz, ancien chef de la diplomatie publique au sein du cabinet du Premier ministre et fondateur de MIDA, un magazine conservateur en ligne, affirme que la Cour est en train de remporter une nouvelle manche.
Dans l’hebdomadaire hébreu Makor Rishon du 12 septembre, il a déclaré que « le mois prochain, le tribunal va supprimer – de manière totalement illégale – toute limitation encore existante, même si ce n’est qu’en apparence »
Il a déclaré à JNS :
« Toute nomination politique, toute action politique, toute action gouvernementale, tout sera désormais soumis à un contrôle judiciaire. C’est ridicule, parce qu’ils supplantent les pouvoirs parlementaires gouvernementaux. Il n’y a plus trois pouvoirs. Il n’y a qu’un seul pouvoir judiciaire.
Selon Baratz, en proposant une réforme judiciaire, le gouvernement pensait agir en position de force, compte tenu de sa majorité de 64 sièges à la Knesset. Il pensait avoir l’occasion de ramener la Cour à sa juste dimension, qui s’est élargie depuis la « révolution constitutionnelle » déclenchée dans les années 1990 par Aharon Barak, alors président de la Cour suprême.
« Mais c’est la Cour qui a eu l’avantage, ayant pris le pouvoir au cours d’un processus qui a duré des années », dit Baratz. « Et par ‘pouvoir’, j’entends ‘autorité' ».
« Le gouvernement ne s’est rendu compte de rien. C’est pour cela qu’il perd depuis 30 ans »
« Le gouvernement, dans les affaires portées devant la Cour, s’est concentré sur des questions concrètes, comme : ‘que faut-il faire avec les immigrants illégaux’, et bien que la Cour ait rendu des verdicts dans ces affaires, ceux-ci étaient secondaires par rapport à son objectif principal, qui était d’acquérir plus d’autorité », explique Baratz.
« La Cour suprême n’a cessé de répéter dans ces affaires concrètes : ‘Même si nous n’annulons pas une loi spécifique, nous avons l’autorité nécessaire pour le faire’. L’autorité, voilà la raison pour laquelle la Cour s’est toujours battue, mais le gouvernement ne s’en est pas rendu compte. C’est la raison pour laquelle il perd depuis 30 ans ».
Il ajoute :
« La seule bonne chose est qu’enfin les gens, les politiciens et le public, commencent à comprendre où se situe le véritable combat.
« Le gouvernement mérite sa part de critiques », a-t-il déclaré, en désignant les dirigeants du plan de réforme, le ministre de la Justice Yariv Levin et le président de la Commission de la constitution, de la loi et de la justice Simcha Rothman, pour avoir agi de manière autoritaire. « J’espère qu’ils ont retenu la leçon et que la prochaine fois que nous serons confrontés à ce genre de situation, ils seront beaucoup plus modérés et que le public sera beaucoup mieux informé », a-t-il déclaré.
« Les opposants à la réforme croient être habilités à prendre des décisions au nom de l’ensemble de la population sans son consentement »
Ce qui préoccupe Baratz, ce n’est pas tant la Cour, que la « menace très réelle » qui pèse sur la démocratie israélienne.
« Ce n’est plus un moment constitutionnel. C’est devenu un moment révolutionnaire, dans lequel une certaine partie du public croit qu’elle est habilitée, de manière non démocratique, à prendre des décisions au nom de l’ensemble de la population sans son consentement », a-t-il déclaré.
« Les fonctionnaires ont déclaré qu’ils ne tiendraient pas compte du gouvernement », ajoute Baratz, insinuant que si le tribunal décide que M. Netanyahou est inapte à exercer ses fonctions, ils suivront la décision du tribunal et « trahiront la démocratie et le processus électoral… C’est la raison pour laquelle j’appelle cela une révolution, et non un moment constitutionnel. C’est ainsi que l’on a renversé les régimes, dans l’histoire ».
Selon lui, les anti-réformistes ont démoli l’idée du bien commun.
« Ils disent : ‘Si nous ne sommes pas au pouvoir, Israël souffrira’. Cela s’est étendu à d’autres domaines. Aujourd’hui, ils manifestent contre Netanyahou à New York. Nous sommes dans une position que nous n’avons jamais connue auparavant. Ce n’est pas beau à voir ».
« Le juge Isaac Amit est un extrémiste arrogant, imbu et ivre de pouvoir »
Baratz plaide pour l’abandon de la réforme en échange d’une chose : faire obstacle à l’homme pressenti pour devenir le prochain président de la Cour suprême, le juge Isaac Amit.
« Cela semble tactique, mais c’est stratégique. C’est la chose la plus importante à faire », dit Baratz, rappelant que la présidente actuelle, Esther Hayut, prendra sa retraite dans quelques semaines.
Décrivant Amit comme l’un des membres les plus extrémistes de la Cour, M. Baratz dit :
« Il ne ressemble à rien de ce que nous avons vu auparavant – et nous en avons vu pas mal. Ce sera un désastre total. Il est le prototype d’un juge de la Cour suprême arrogant, imbu de sa personne et ivre de pouvoir ».
Amit est en liste pour la présidence par ancienneté, mais un autre juge, Yosef Elron, a défié le système et est rentré dans l’arène. Selon Baratz, Elron est beaucoup plus modéré qu’Amit. Le président de la Cour suprême exerçant un pouvoir et une influence considérables, « je mettrais de côté toute la réforme en échange d’un président honnête car Elron fera probablement évoluer la Cour vers un rôle plus traditionnel », a-t-il déclaré.
Le plan de réforme est impossible à mettre en place : la Cour l’invalidera
En défendant sa position selon laquelle le gouvernement devrait abandonner le plan de réforme, M. Baratz affirme que, dans la situation actuelle, la Cour invalidera probablement toutes les lois que la Knesset adoptera.
À long terme, Baratz reste optimiste. Il estime que l’atmosphère s’apaise, que la plupart des Israéliens sont modérés, et aimeraient voir un équilibre entre les trois branches du gouvernement.
« On ne peut pas éternellement avoir une clique d’avocats qui exercent un pouvoir qu’ils n’ont en vertu d’aucune loi, et faire en sorte que la population s’en accommode. Cela ne pourra pas durer éternellement », a-t-il déclaré.