La carrière d’Hussein Al-Sheikh suit la trajectoire des dirigeants palestiniens de sa génération : des aspirants révolutionnaires transformés en courtiers du pouvoir local par l’échec du processus de paix qui dure depuis des décennies.
Sa biographie officielle indique qu’il a été emprisonné par Israël de 1978 à 1989 et qu’il a pris part à la première intifada quand il a été libéré. Après que les Palestiniens ont obtenu une autonomie limitée à Gaza et dans certaines parties de la Rive occidentale légalement occupée dans le cadre des accords d’Oslo de 1993, al-Sheikh a rejoint les forces de sécurité naissantes et a atteint le niveau de colonel. Il dit avoir été recherché pendant la deuxième intifada, plus violente, au début des années 2000.
Il est membre à vie du Fatah, un mouvement terroriste lancé par Yasser Arafat à la fin des années 1950. Aujourd’hui, le Fatah domine l’OLP, qui est censée représenter tous les Palestiniens, et l’Autorité palestinienne, qui administre certaines parties de la Judée Samarie et coopère avec Israël en matière de sécurité.
Hussein Al-Sheikh a vu son profil politique s’élever le mois dernier après qu’Abbas l’ait nommé secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine.
Cette nomination a suscité des spéculations selon lesquelles Al-Sheikh serait en train d’être préparé pour le poste suprême, ainsi que des critiques selon lesquelles l’autocrate Abbas, qui n’a pas organisé d’élections depuis 2006, ignore une fois de plus les souhaits de son peuple.
Al-Sheikh, 61 ans, a refusé de dire s’il voulait succéder à Abbas. Il a déclaré que le prochain président devrait être choisi par le biais d’élections, mais que celles-ci ne pourraient avoir lieu que si Israël autorise le vote dans tout Jérusalem-Est, ce qui lui donnerait effectivement un droit de veto sur tout leadership alternatif.
C’est un faux-prétexte, un de plus, dans un monde musulman où le mythe et la réalité, le mensonge et la duperie sont culturellement si imbriqués qu’ils trompent les responsables eux-mêmes et troublent leur discernement. Car seul un tout petit nombre d’électeurs de la ville a besoin d’une autorisation israélienne, et l’Autorité Palestinienne refuse d’envisager d’autres arrangements.
« Le président palestinien ne peut être nommé, ni arriver au pouvoir par la force, ni arriver en raison d’un intérêt régional ou international, ni arriver sur un char israélien », a-t-il déclaré.
Dans une interview exclusive accordée à l’Associated Press, al-Sheikh a défendu les dirigeants palestiniens de Judée Samarie, affirmant qu’ils faisaient de leur mieux dans les circonstances difficiles de l’occupation militaire israélienne, vieille de 55 ans. En tant qu’homme de pointe chargé de traiter avec Israël, il a déclaré qu’il n’y avait pas d’autre choix que de coopérer pour répondre aux besoins fondamentaux des Palestiniens.
Il affirme que les relations avec Israël sont devenues si mauvaises que les dirigeants palestiniens ne peuvent plus continuer comme si de rien n’était.
Mais même s’ils sont sérieux cette fois-ci, ils ont peu d’options. Et il semble peu probable qu’ils fassent quoi que ce soit qui porte atteinte à leur propre pouvoir limité dans les parties de la Judée Samarie qu’ils occupent, qui découle en grande partie de leur volonté de coopérer avec Israël.
« Je ne suis pas un représentant d’Israël dans les territoires palestiniens », a-t-il déclaré. « Nous entreprenons la coordination parce que c’est le prélude à une solution politique pour mettre fin à l’occupation. »
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Selon al-Sheikh,
- Le gouvernement israélien est redevable aux nationalistes de droite,
- son premier ministre est opposé à la création d’un État palestinien,
- les implantations s’étendent,
- les Palestiniens sont relogés de force, et
- les États-Unis et l’Europe semblent impuissants à les arrêter.
« Les dirigeants palestiniens sont sur le point de prendre des décisions majeures et difficiles », a déclaré al-Sheikh, interrogé sur la menace d’Abbas de couper les liens de sécurité, voire de retirer la reconnaissance d’Israël, pierre angulaire du processus de paix d’Oslo dans les années 1990. « Nous n’avons pas de partenaire en Israël. Ils ne veulent pas d’une solution à deux États. Ils ne veulent pas négocier ».
Mais les Israéliens rencontrent al-Sheikh en permanence…
En tant que chef de l’organisme palestinien qui coordonne les permis israéliens – et proche collaborateur d’Abbas – al-Sheikh rencontre les hauts responsables israéliens plus souvent que tout autre Palestinien.
Les responsables israéliens le considèrent comme « un acteur très, très positif dans l’arène palestinienne », a déclaré Michael Milstein, un expert israélien des Affaires palestiniennes qui a conseillé le COGAT, l’organisme militaire chargé des affaires civiles en Rive occidentale.
« Grâce à ses relations étroites avec Israël, il peut obtenir beaucoup de choses positives pour le peuple palestinien », notamment des permis et des projets de développement, a expliqué Milstein. Mais la plupart des Palestiniens « ne peuvent pas vraiment accepter l’image d’un dirigeant palestinien qui sert les intérêts d’Israël. »
La ligne trouble de la politique Abbas
Abbas, qui a été élu en 2005 après la mort d’Arafat, est opposé à la lutte armée et attaché à une solution à deux États, étape intermédiaire jusqu’à la libération totale de la région. Il préfère inciter financièrement et idéologiquement les terroristes à commettre des attentats plutôt qu’engager un affrontement pour lequel il n’a aucune chance. Dans le cas contraire, il serait favorable à la guerre totale. Au cours de ses 17 années illégalement au pouvoir, le processus de paix est devenu un lointain souvenir en raison de son refus de négocier et de faire des compromis. De plus, les Palestiniens ont été divisés politiquement et géographiquement par la rupture et la haine réciproque avec le groupe militant islamique Hamas, et l’AP est devenue de plus en plus impopulaire.
« Si le prix des élections est que je cède sur Jérusalem, c’est impossible. Vous ne trouverez pas un seul Palestinien qui acceptera cela », a déclaré M. al-Sheikh.
C’est peut-être vrai, mais cela pourrait aussi empêcher les Palestiniens de remplacer les dirigeants actuels et de les laisser en place pour les années à venir.
Ce qu’ils pensent d’al-Sheikh
- Dimitri Diliani, un membre important du Fatah qui soutient une faction anti-Abbas, a déclaré qu’aucun des membres du cercle restreint du président n’était éligible, soulignant les récents sondages montrant que près de 80 % des Palestiniens souhaitent la démission d’Abbas.
M. Diliani a décrit M. al-Sheikh comme « une personne active et intelligente », un pragmatique qui saisit les opportunités – mais qui est aussi myope.
« Abou Mazen est un bateau qui coule, et quiconque est à son bord coule avec lui », a déclaré M. Diliani.
- Pour Tahani Mustafa, al-Sheikh est à la fois très détesté et totalement indispensable, car al-Sheikh dispose d’un levier de pouvoir unique qui pourrait s’avérer plus important que l’éligibilité : l’accès aux permis israéliens.
Il est en charge de l’Autorité générale des affaires civiles depuis 2007. C’est là que les Palestiniens doivent s’adresser s’ils veulent entrer en Israël pour travailler, rendre visite à leur famille ou recevoir des soins médicaux ; pour importer ou exporter quoi que ce soit ; ou pour obtenir une carte d’identité nationale.
« Si vous avez besoin de quelque chose, absolument n’importe quoi, en Palestine, c’est votre interlocuteur privilégié. Il est activement détesté par les Palestiniens, mais il est aussi très, très nécessaire pour cette raison », a déclaré Tahani Mustafa, analyste palestinien à l’International Crisis Group.
« Si la succession devait se faire par des voies légitimes, il n’y a aucune chance qu’Hussein al-Sheikh résiste à un vote populaire », a-t-elle ajouté. « Si vous voulez imposer ce type de leadership aux Palestiniens, vous allez absolument devoir faire face à des réactions négatives. »
Quant à al-Sheikh, il affirme qu’il n’y a pas d’alternative à la coordination.
« Le mouvement des Palestiniens, les passages, les frontières, sont tous sous contrôle israélien », a-t-il dit. « Je suis une autorité sous occupation ».
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org