Le président israélien Isaac Herzog se rendra aux Émirats arabes unis la semaine prochaine à l’invitation du prince héritier d’Abou Dhabi, le cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan, qui est sa première visite officielle et la première visite officielle du chef de l’État d’Israël aux Émirats.
Les liens commerciaux seront au cœur des discussions dans la monarchie arabe du Golfe, plus d’un an après la signature d’un accord sur la normalisation entre les deux pays le 15 septembre 2020. Depuis, les Emirats et Israël ont conclu plusieurs accords commerciaux –tourisme, aviation, services financiers, etc.
Cette visite contribuera à des avancées positives dans la coopération bilatérale dans les domaines de l’investissement, de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, des énergies renouvelables, des hautes technologies et de la santé.
Les Emiratis s’intéressent à l’expérience de L’Etat juif dans le domaine des hautes technologies et des affaires, ainsi qu’à l’innovation israélienne en général.
Au-delà de l’économie, le dossier nucléaire de l’Iran fait partie des inquiétudes communes d’Israël et de ses nouveaux partenaires du Golfe. La région a été le théâtre d’un bal diplomatique ces dernières semaines alors que des pourparlers sur ce dossier se déroulent actuellement à Vienne, jusque-là sans résultat.
Cette visite aura lieu au moment où Israël, par ailleurs, pousse pour le maintien des sanctions contre l’Iran, son ennemi juré et pays riverain
Le Premier ministre d’Israël Naftali Bennett s’est entretenu déjà le 13 décembre 2021 à Abou Dhabi avec l’homme fort des Emirats arabes unis Mohammed ben Zayed, une rencontre historique qui vient sceller une «nouvelle réalité» dans la région.
Le 11 novembre dernier, les Emirats et Bahreïn ont mené des premières manœuvres navales conjointes avec l’Etat hébreu, dans le but d’améliorer les capacités collectives de sécurité maritime. La République islamique est régulièrement accusée de mener des opérations hostiles dans les eaux du Golfe.
La normalisation avec Israël et la menace iranienne dans la région ont rompu avec des décennies de consensus arabe excluant l’établissement de liens officiels sans résolution du conflit israélo-palestinien.
Les Émirats arabes unis sous des tirs de missiles de rebelles yéménites pro-iraniens
Les rebelles houthis, sponsorisés par Téhéran, ont lancé une vaste attaque à l’intérieur des frontières émiriennes en quelques jours, notamment contre la capitale du pays, Abou Dhabi.
Les défenses antiaériennes ont intercepté et détruit quelques missiles balistiques lancés par le groupe terroriste des houthis contre les Émirats.
Les Émirats se vivaient jusqu’ici comme une oasis de paix au Moyen-Orient. Mais depuis une première attaque, le 17 janvier 2022, le pays a été contraint de reconnaître des incursions houthis à l’intérieur même de ses frontières. Les rebelles yéménites avaient alors revendiqué une première attaque meurtrière contre Abou Dhabi : des drones et des missiles dirigés contre des installations pétrolières et l’aéroport ont tué trois personnes.
Le pays est membre de la coalition internationale, dirigée par l’Arabie saoudite, engagée dans la guerre civile au Yémen. Plus de sept ans de guerre, les rebelles utilisent les civils comme boucliers humains comme à Gaza.
La coalition mène actuellement une série de frappes aériennes, notamment contre la capitale yéménite, Sanaa, contrôlée par les rebelles pro-iraniens.
Abou Dhabi se justifie en avançant avoir mené des raids aériens, notamment contre des «milices terroristes», dans un cas de «légitime défense».
L’ONU tente en vain depuis plusieurs années de mettre fin à ce conflit dévastateur qui a fait, selon elle, 377 000 morts et poussé une population de 30 millions d’habitants au bord d’une famine à grande échelle.
Depuis 2015 et l’éclatement du conflit, la guerre au Yémen a fait des dizaines de milliers de morts et a durement éprouvé les civils. Pour l’ONU, il s’agit de la «pire crise humanitaire au monde».
Une guerre nécessaire pour défendre la légalité selon l’alliance émiratie saoudienne
Le 21 septembre 2014, la guerre a commencé au Yémen lors de la prise de la capitale Sanaa par les houthis, une faction minoritaire du chiisme appuyée par l’Iran et le Hezbollah libanais (1). La montée en puissance des milices houthis grâce à l’Iran déclenche la guerre civile en 2014.
Les Houthis qui sont stipendiés, aidés, armés et financés par les Iraniens ont pris le contrôle du palais présidentiel. Le gouvernement d’Abdrabbo Mansour Hadi, d’abord replié à Aden puis réfugié en Arabie saoudite, avait demandé l’aide de Riyad.
L’Arabie et les Emirats mènent, depuis mars 2015 au Yémen, une campagne contre les Houthis, ces insurgés pro-iraniens qui ont renversé le gouvernement reconnu par l’ONU et pris alors le contrôle du pays.
L’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition de plusieurs États arabes depuis 2015, intervient au Yémen qu’elle considère comme son arrière-cour. Riyad ne souhaite pas que l’Iran puisse disposer d’alliés armés et expérimentés comme les Houthis au sud du royaume. L’objectif des forces coalisées est le rétablissement de la souveraineté du gouvernement sur tout le territoire et le démantèlement des milices houthis.
L’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis consacrent un budget très important aux dépenses militaires.
Engagées au sol, à la différence des Saoudiens, les forces émiraties ont joué un rôle majeur dans l’expulsion des Houthis hors d’Aden, à l’été 2015, puis dans celle d’Al-Qaida hors du port de Mukalla, au printemps 2016 (2).
Abou Dhabi défend l’autorité du président Hadi, élu à la tête du Yémen dans un scrutin supervisé par l’ONU en 2012 et forcé par les Houthistes à s’exiler à Riyad. C’est au nom de ce président légitime du Yémen que la campagne est menée contre les Houthistes.
Les Emirats arabes unis, engagés dans le conflit depuis ses débuts et considérés comme un pilier de la coalition commandée par l’Arabie saoudite qui se livre alors à une guerre par procuration avec l’Iran, son principal rival dans la région. Riyad et Téhéran se disputent en effet le leadership au Moyen-Orient et le conflit au Yémen s’inscrit dans ce contexte.
L’Arabie saoudite, dans son combat contre les Houthis, une marque de fabrique iranienne, a tout intérêt à bénéficier de l’appui militaire des Emirats. Cette fédération d’émirats de la côte méridionale du golfe Persique ne compte que 800.000 nationaux pour ses 9 millions d’habitants. Mais elle s’est dotée d’un impressionnant outil militaire, les Emirats se hissant au rang de quatrième importateur mondial d’armes. Pourtant ce richissime Etat du Golfe paye un lourd coup humain(3).
Le couple émirati-saoudien, le plus puissant du Golfe, lutte contre l’influence iranienne qui maintient cette rébellion des houthis qui avait chassé le gouvernement du président Mansour Hadi. Les houthis sont avant tout un pion que l’Iran avance comme le Hezbollah au Sud Liban.
La prise de Sanaa par les houthis a été faite pour satisfaire par les ambitions des Iraniens (4). Il s’agit d’un appétit géopolitique et économique autour du détroit de Bab El-Mandeb. Il consiste à s’assurer la tutelle des ports yéménites et de leur environnement côtier, en parallèle avec le Somaliland et en Érythrée (5).
Ainsi, l’Iran grâce au conflit yéménite a étendu sa sphère d’influence en s’alliant avec les houthis sans recourir à une intervention militaire directe et donc pour un coût mineur. C’est une guerre de proximité à bas coût pour l’Iran contre l’Arabie saoudite et les Emirats arabes.
L’objectif reste pour ces deux pays d’empêcher la rébellion houthi de se ravitailler notamment en armes en provenance de l’Iran et de la Corne de l’Afrique. Plus récemment, l’Iran a envoyé des conseillers techniques, membres du Hezbollah et des Gardiens de la révolution pour les tactiques de guérilla ou l’utilisation de missiles.
Plusieurs navires de pêche immatriculés en Iran ont été arraisonnés avec du matériel de combat assez diversifié, allant de l’obus antichar au missile de croisière. Ainsi, malgré le blocus, les Iraniens livreraient des armes aux Houthis, celui-ci semble donc montrer une efficacité limitée.
Missiles et drones suicides (appareil aérien sans pilote chargé d’explosif cherchant une cible d’opportunité) de fabrication iranienne ont frappé le territoire saoudien et émirati. Les monarchies sunnites décrivent les attaques de missiles et de drones transfrontaliers des Houthis comme preuves de «l’extrémisme» de ces combattants et de leur fidélité à Téhéran. Ils estiment que les Houthis donnent la priorité à l’agenda régional de l’Iran sur la paix au Yémen.
L’arrivée de Joe Bieden a compliqué la situation pour le couple émirati-saoudien. En effet, le président Démocrate a mis en place le gel provisoire de vente d’armes aux Saoudiens et a annoncé la fin du soutien militaire et la nomination d’un envoyé spécial pour le Yémen.
Entre-temps, avec la guerre, les Houthis ont su développer leurs capacités offensives. Les Houthis et l’Iran souhaitent négocier en position de force.
© Souhail Ftouh pour Israël 24/7
(1) Le gouvernement saoudien considère les Houthis comme des apostats parce que chiites. Les Houthis sont majoritairement zaydites, une autre branche du chiisme. Avant même le début de la guerre aérienne commencée par les Saoudiens le 26 mars 2015, le grand mufti saoudien, Abdulaziz al-Sheikh, dénonçait les Houthis comme des hérétiques qui voulaient «éliminer l’Islam».
(2) L’Arabie saoudite n’a pas voulu engager son armée sur le sol yéménite. Elle s’est limitée à dresser un rideau de protection le long de la frontière, où la guérilla houthi lui inflige des pertes significatives en hommes et en matériels (plus d’une vingtaine de chars Abrams détruits). Contrairement aux Saoudiens, les Émirats arabes unis (EAU) ont déployé un corps expéditionnaire terrestre à base de quelques dizaines de blindés (chars Leclerc), artillerie et véhicules de combat divers.
(3) Les 55 Émiratis victimes d’un missile lancé par les houthis en septembre 2015 dans la région de Marib, à l’est de la capitale Sanaa, ont créé un choc. Jamais l’armée émirienne dans son histoire n’avait subi autant de pertes.
(4) Au Nord de l’Arabie saoudite, l’Iran a déjà constitué un «axe chiite» qui part du Liban en passant par l’Irak et la Syrie. Au Sud, la rébellion houthi accroît la sensation d’encerclement chiite dont est victime l’Arabie saoudite.
(5) La position stratégique du Yémen permet un double encerclement, terrestre, mais aussi maritime ; la mer Rouge est fermée par le détroit de Bab el-Mandeb et le golfe Persique par le détroit d’Ormuz. Ces deux détroits contrôlent deux des accès maritimes principaux des pays du Golfe. La majorité des exportations arabes en hydrocarbures transite par ces détroits. Par ailleurs, le détroit de Bab el-Mandeb est le 4e détroit le plus fréquenté au monde. Il s’agit donc d’une menace directe sur les intérêts commerciaux des pays en froid avec l’Iran.