L’histoire du militantisme juif en France reste à écrire. Un des chapitres les plus importants de cette histoire a été écrit par Jacques Kupfer, ancien Netsiv Betar et président du Herout de France, disparu il y a tout juste un an aujourd’hui, le 27 Téveth 5780. Né en 1946, Jacques Kupfer a non seulement été le moteur de l’engagement sioniste de plusieurs générations de militants juifs de France, à travers les multiples organisations qu’il a fondées et dirigées, mais il a également servi de phare pour une communauté juive souvent désorientée et qui a traversé de multiples épreuves, depuis les années 1960 et jusqu’à nos jours.
Contrairement au tableau édifiant souvent dressé de l’histoire des Juifs en France depuis 1945, celle-ci n’est en effet nullement un long fleuve tranquille ou une “success story”. En réalité, on peut la décrire comme la remise en question progressive de l’intégration réussie du judaïsme français, tant par la politique étrangère de la France que sur le plan intérieur. Dans ce contexte, le judaïsme officiel a souvent choisi une attitude de résignation, d’acceptation et pour finir de dhimmitude. Les institutions juives de France, avec quelques rares exceptions, ont dans la plupart des cas accepté ainsi comme un fait accompli la politique arabe de la France et ses conséquences. On en donnera pour illustration le fait que les grandes manifestations pour Israël des années 1970 et 1980 se sont progressivement taries, au point que la France est devenue l’un des rares pays où il est aujourd’hui quasiment interdit de manifester publiquement son soutien à Israël.
Dans ce contexte de dhimmitude grandissante, Jacques Kupfer faisait exception. Le Betar et le Herout de France qu’il dirigeait ont levé haut le drapeau d’Israël en France, sans jamais craindre les réactions de nos ennemis, ou celles des autorités françaises. Jacques Kupfer a écrit, avec les militants des organisations qu’il dirigeait, certaines des pages les plus glorieuses du judaïsme de France, celles de la mobilisation pour les Juifs d’URSS, du combat et de l’activisme sans faille pour Israël et contre l’antisémitisme de tous bords.
Mais Jacques Kupfer n’était pas seulement un chef et un.dirigeant politique lucide et charismatique. Il était véritablement un phare, qui a éclairé et accompagné le.judaïsme de France, en lui montrant toujours la direction ultime, celle du retour à Sion. Tous n’ont pas fait leur Aliyah, mais tous savaient que leur avenir était en Israël. Ce combat s’est poursuivi en Israël, où Kupfer a poursuivi son œuvre de militantisme politique, notamment à travers le Yom.Hebron et à travers Israël forever, organisation militante aujourd’hui dirigée par sa fille, Nili Kupfer Naouri.
De toutes ses multiples réalisations et parmi toutes les fonctions qu’il a occupées – au sein des institutions sionistes notamment – celle qui lui était la plus chère était d’avoir dirigé le Betar, en tant que “Netsiv Betar”. Si l’on veut tenter de comprendre un tant soit peu qui était Jacques Kupfer, il faut lire le portrait que dresse le fondateur du Betar, Zeev Jabotinsky, du colonel Patterson, commandant de la Légion juive, dans son autobiographie. Patterson, écrit-il, “se sentait chez lui dans le monde de la Bible hébraïque. Ehoud et Ifta’h, Gideon et Shimshon, David et Avner – à ses yeux étaient vivants, ils étaient des amis personnels, presque ses camarades et ses voisins du club de cavalerie de la rue Piccadilly. Je m’en réjouis, l’illusion biblique permet parfois de masquer l’absence de beauté de l’existence galoutique…”.
Ces lignes s’appliquent parfaitement à Jacques Kupfer, qui a lui aussi consacré une grande partie de sa vie à la cause juive et sioniste dans la Galout de France, dont l’absence de beauté n’a rien à envier à celle de la Russie évoquée par Jabotinsky. Mais, aux yeux de Jacques Kupfer, comme à ceux du colonel Patterson, l’existence galoutique était transfigurée par la présence des héros de la Bible hébraïque et de ceux de la Renaissance d’Israël, des pionniers de la “Hityashvout” – l’implantation juive – en Judée et en Samarie, au Goush Katif et à Hébron, des combattants de l’Etsel et du Lehi, des “Olé ha-Gardom”, les jeunes combattants de l’Irgoun et du Lehi pendus par les Anglais et de tous ces héros qui étaient véritablement vivants et qui étaient “des amis personnels”, pour Jacques Kupfer et – à travers lui – pour nous tous.
L’histoire du militantisme juif en France reste à écrire. Il reste notamment à écrire comment, malgré la politique arabe de la France, axe essentiel de sa politique étrangère devenue aujourd’hui un axe de sa politique intérieure et malgré l’hostilité insondable des dirigeants français envers Israël – qu’ils parviennent très mal à dissimuler par leurs proclamations d’amitié mensongères – le mouvement sioniste jabotinskien en France a levé haut la bannière d’Israël et a écrit une page glorieuse de l’histoire juive. Que le souvenir de Jacques Kupfer soit béni et qu’il continue d’éclairer et de guider le judaïsme de France et le peuple d’Israël.
© Pierre Lurçat
Source : www.radioj.fr